Le rap d’ici impose avec force à tous les habitants de Marseille - qu’ils soient précédents arrivants, gens riches, ou élites de la Culture - qu’un jeune des quartiers, même s’il accumule tous les handicaps sociaux, peut non seulement prétendre à faire de l’Art, mais aussi à en vivre, s’il est assez talentueux et déterminé.
Cette simple constatation est donc de plus en plus admise, même si elle est encore dérangeante.
Notre premier réflexe est de ranger ce phénomène au rayon des soubresauts sociaux, ceux qui passent avec le temps, une donnée uniquement socio-politique.
…un arbre qui cache une forêt…
La forêt, c’est que le hip hop est une culture, un art de vivre, comme d’autres en leur temps.
Notre deuxième réflexe, beaucoup plus difficile, est donc de l’accepter comme une force artistique audacieuse, pas simplement comme une réaction sociale d’adolescents défavorisés.
Le paradoxe est que nos rappers marseillais eux mêmes, soumis comme nous tous à la pensée unique de nos médias et de nos sociologues, ont tendance à accepter cette camisole si bien taillée à leur mesure.

La réalité est autre. Le hip hop est partout, pas seulement à Marseille, pas seulement dans les quartiers nord, pas seulement dans la musique, et pas seulement sur le terrain de la contestation.
Il y a aussi des danseurs, des designers, des plasticiens (et, malheureusement pour les gourmands, pas encore de cuisiniers…), dont certains plus que d’autres font preuve d’innovation, tentent des mélanges contre nature.
L’urgence, spécialement à Marseille aujourd’hui, est de montrer cette capacité de décalage, ce pied de nez aux ghettos, urbains ou mentaux, attitudes beaucoup plus impertinentes et rebelles que le sempiternel discours sur les banlieues, qui arrange finalement tout un chacun.

Logique Hip-Hop ne pourra pas se contenter de n’être qu’un catalogue de groupes. Il devra témoigner autant que possible de tout ce foisonnement, et soutenir les preneurs de risques.
C’est en tout cas la première mission de l’A.M.I., centre national de développement pour les musiques actuelles.

Ferdinand Richard
Directeur de l’A.M.I.,
Co-directeur de la musique
de la Friche la Belle de Mai