Au moment où un excès de langueur la poussait à se jeter dans le flot des bouteilles plastiques du Vieux-Port, la fille perçut au fond de l’eau une faible lueur. Au milieu d’un vague bouillonnement émergea un sous-marin de poche, et, après que l’écoutille en eut basculé, un vieillard émergea, hologramme en phase d’évanouissement, comme une ancienne affiche de festival sur les vieux murs du Panier.
La tremblante image 3-D lui tendit cinq clefs de fer dans un anneau magique.
« Ce Nautile va te mener au Donjon de l’Île ».
Tu y trouveras cinq chambres secrètes, correspondant à chacune de ces clefs. Si tu parviens à y pénétrer, les pouvoirs surnaturels seront tiens. Plus aucun spam ne pourra t’atteindre, les Djs de l’ombre se rangeront sous ta bannière, et un riche prince de l’Equateur t’épousera au bord du Fleuve.
Tu seras la « Reine des Frémissements ».

 Au jour tombé, le mercredi 1er juillet 2015, elle pénétra dans la chambrette dorée. C’était une cave à peine plus grande que le Nautile, pleine de bruits et de fureur, arpentée par un homme-orchestre occitan et des peintres réunionnais, tous insomniaques, et fanatiques des pieds-paquets. Ils la mirent d’humeur joyeuse.

 Au crépuscule, le jeudi 2 juillet 2015, la chambre Blanche, bruissante comme un stade, alignait plus de deux cents tambours, lutteurs de l’âme. En pleine force, s’y activaient les maîtres de Strasbourg et le japonais magique de Brooklyn...
Elle dansa cette gymnastique mathématique.

 Lorsque la lune parut, le vendredi 3 juillet 2015, engourdie dans le Violet de la chambre Trois, une liqueur vénéneuse anesthésiait ses sens... On y bâtissait un paradis de laine, une planète-labyrinthe, barrée par des murs de sons. Une voix d’ange perçait le sucre du brouillard, et, dans les ouvertures, on découvrait ici et là des statues de marbre. Elle se liquéfia.

 Le samedi 4 juillet 2015, la nuit refusa de venir, et le Rouge de la discothèque géante l’enveloppa d’un flux sanguin irrésistible. Son corps ne lui obéissait plus. Le rock faisait joujou avec son ventre. Elle finit par tomber amoureuse d’un prestidigitateur oriental, une sorte de gourmandise au miel... Son front rougissait.

 Le dimanche 5 juillet 2015, nuit ou éclipse, on ne sait plus, un kaléidoscope multicolore trompait l’équilibre. L’horizontal était vertical, la chambre était sans murs, de toutes couleurs et sans couleurs. Elle était aux antipodes et ici en même temps, on avait percé un puits qui traversait la Terre jusqu’à une île déserte. Sur le rivage, des démons aux longs cheveux grimaçaient des Bruits Acides. Leur mère surveillait son chaudron... Son corps se dédoubla.

De retour sur le continent, à l’endroit même où elle avait entendu l’hologramme, au pied des vendeurs de poulpes, elle trouva une cravate et quelques bougies d’anniversaire.
Toute la ville avait changé.
Ou bien c’était son regard...

Ferdinand.