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Intervention lors de la table ronde sur le futur de la coopération (...)

Intervention lors de la table ronde sur le futur de la coopération artistique en Méditerranée

octobre 2000
Ferdinand Richard

Rencontres franco-italiennes


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Rencontres Franco-Italiennes Marseille
4 au 6 octobre 2000

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Table ronde sur le futur de la coopération artistique en Méditerranée.
Notes pour intervention
Ferdinand Richard

 

- Remerciements Lilianne Schauss.

Six banalités avant d’entendre les expériences d’un Théatre dans le sud de l’Italie et le travail d’un Observatoire Culturel à Barcelone.

Quatre banalités d’ordre stratégique, et deux d’ordre éthique :

Stratégie :

1) Quatre ans de Rencontres franco-italienne établissent une expertise commune sur l’échange international (bien sûr, il y en a d’autres, mais celle-ci est exemplaire par sa perennité. Trop souvent la coopération artistique s’arrete à la durée de vie d’un projet).
J’ai le sentiment que le meilleur moyen de garder sa vitalité et sa légitimité à ce noyau dur est de le connecter à un environnement large, et on peut considérer que "la Méditerranée" est son premier environnement, quoiqu’il en soit des fantasmes (sur la rive Nord comme sur la rive Sud) que génère ce concept de "Méditerranée", pas si innocent et consensuel que ce que la mode actuelle nous en laisse croire.

2) Le fait que nous constations dans cette édition des Rencontres Franco-Italiennes un ré-équilibrage en faveur des trajets d’artistes (je parle ici de géographie intérieure autant que d’itinéraires physiques) par rapport aux projets d’artistes (les ateliers en sont le témoignage) suffit largement à établir que nous avons pris officiellement conscience que nous ne pouvons plus résumer notre travail international à un échange de biens culturels consommables. De même qu’il devient de plsu en plus évident que le travail de la diffusion doit nécessairement s’accompagner d’un travail profond sur les publics, de même on conçoit mal le travail sur la création isolé d’un travail sur le trajet de l’artiste.
Or, celui-ci est (Dieu merci) divaguant, imprévisible, non-linéaire.
Nous savons bien que la plupart des artistes présents aujourd’hui débordent largement les limites franco-italiennes.
Travailler sur leurs trajets, c’est inclure d’autres "théatres" opérationnels.

3) Comme à l’accoutumée, ces Rencontres nous rappellent, si besoin en était, l’endémique précarité du financement de la coopération artistique internationale.
Or, il existe (et il existera) d’importantes alternatives de financement, et notamment au sein de l’Union Européenne, mais ces poches budgétaires obéïssent pratiquement toujours à la règle de la multi-latéralité des projets.

4) Le chercheur Redah Tlili, à l’occasion du Campus Euroméditerranéen de Villanova (3/7 mai 2000), organisé par Interarts, nous a rappelé le chiffre effarant de plus de 400 colloques, séminaires, débats publics consacrés aux sujets culturels depuis la signature des accords de Barcelone il y a quatre ans.
Il y a donc incapacité actuelle, sur le pourtour de cette mer, à mutualiser, à dynamiser cette réflexion.
Pour l’essentiel, je crois que cette incapacité ne réside pas seulement dans les stratégies plus ou moins secrètes des décideurs politiques, mais aussi, et largement, dans le fait que les artistes, ou leurs représentants directs, sont largement absents de ces débats.

Ethique :

5) Nous allons voir bientôt l’arrivée d’une Charte Européenne des Droits Fondamentaux, qui devrait (en tous cas, nous faisons tout à cet égard avec le Forum Européen pour les Arts et le Patrimoine, aidés, entre autres, par l’exceptionnel travail de chercheurs comme Patrice Meyer-Bisch, de l’Université de Fribourg en Suisse) inclure un volet culturel.
Outre le fait que ce document devrait être le renforcement de l’article 151 de Maastricht (prise en compte d’une clause culturelle dans les décisions de l.E.), il rencontre nombre de nos réflexions personnelles sur le droit de tout citoyen à pratiquer, et pas seulement consommer, les Arts.
Nous rejoignons là la racine de ce "trajet" de l’artiste dont nous parlions tout à l’heure. Et incidemment, nous sentons tous que le développement culturel intéragit avec la stabilité, avec la paix durable.
A terme, il serait inacceptable d’oeuvrer à un développement harmonieux du monde artistique au nord de la Méditerranée si le sud ne connaissait pas les mêmes dynamiques.
Nous connaissons tous les dangers à enfermer les artistes dans une routine confortable. Le devoir d’un producteur, c’est aussi de lancer son artiste dans des espaces plus ou moins connus, de manière digne et élégante.

6) La Méditerranée s’inscrit évidemment dans la construction mondiale.
Je n’ai pas besoin de vous dire ici que’un certain type de mondialisation se cristallise autour de la notion de marché.
Après les dernières évolutions (assez obscures) de l’Union Européenne, un certain nombre d’indicateurs nous confirment que la coopération méditerranéenne actuellement envisagée par les décideurs porte essentiellement sur le développement d’un marché unique, à deux sens inégaux :
- un plus grand marché pour les produits industriels des pays riches (et j’y inclus bien sûr l’industrie des loisirs et des spectacles).
- Un accès quasi-gratuit aux matières premières, y compris intellectuelles, des pays pauvres.
Ce n’est évidemment pas de cette Méditerranée-là, de cette mondialisation-là, dont nous rêvons tous.
De quelle Méditerranée rêvons-nous donc ?
Pour ma part, je peux imaginer ce territoire habité de foyers d’émergences, oeuvrant démocratiquement dans deux sens égaux :
- ils sont outils de repérage et moteurs de développement local, dans une région dont ils sont l’émanation.
- ils établissent avec leurs homologues une véritable coopération internationale, multi-latérale, équilibrée, paritaire, directe.
Et bien sûr, ce type d’outils est la perspective la plus satisfaisante pour les artistes, car ces foyers les projettent à la fois dans la confrontation au monde, et respectent, par une analyse de proximité, leurs besoins, leurs ressources, leur parole.

Conclusion : trois options parmi d’autres :

1) Optimiser et latéraliser les informations, en temps réel, avec, dans chaque équipe opérante, des personnels aptes à analyser, trier, valoriser toutes ces informations.
Existe-t-il un outillage prospectif spécifique (observatoire, service de coopération, etc...) ?
Actions "pédagogiques" envers les décideurs ?

2) Organiser une pression politique collective auprès des grands aménageurs (Réseaux, lobbies, communication ?)

3) Impérieuse exigence de connecter le monde des Arts avec les processus économiques, sociaux, de stabilisation. (présence d’une voix commune au secteur artistique dans les débats).

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